Vous connaissez l’expression « motus et bouche cousue »? C’est une formule qu’on emploie quand on veut demander à quelqu’un de garder un secret ou quand on veut rassurer quelqu’un qu’on ne révélera pas un secret. Heureusement, la plupart du temps bouche cousue n’est qu’une métaphore qui sert à renforcer l’idée de sa détermination de rester discret. Mais, à Calais, il existe depuis presque trois semaines un groupe de réfugiés pour qui bouche cousue est devenue une réalité.
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HRC), il y a environ 59,5 millions de réfugiés ou déplacés dans le monde. Les trois pays les plus touchés sont la Syrie, le Kosovo et l’Afghanistan. À elle seule, la Syrie représente 18,5% des réfugiés du monde. On estime à plus de quatre millions le nombre de personnes ayant fui le régime de Bachar al-Assad en Syrie – c’est-à-dire presque la population de l’Irlande.
Depuis bientôt vingt ans des milliers de réfugiés et de migrants fuyant la guerre civile et la famine s’installent dans « la jungle » de Calais dans l’attente de passer en Angleterre par le tunnel sous la Manche ou cachés dans un camion. Les conditions de vie à Calais, où il y a environ 6.000 personnes entassées dans un bidonville boueux et malsain, sont inhumaines: une douche par personne tous les dix jours; un WC pour cent personnes; maladies, harcèlement et viol.
Le 29 février, une décision a été prise de démanteler la section sud de la jungle qui abrite entre 1.000 et 3.000 personnes. Pour protester contre cette action neuf réfugiés iraniens ont entamé une grève de la faim. Pour renforcer leur décision ils ont aussi décidé de se faire coudre les lèvres. Nous avons vu ici en Irlande comment la grève de la faim peut être utilisée comme une arme politique contre les autorités, mais à quel prix? Entre mai et août 1981, dix membres de l’IRA qui réclamaient le statut de prisonnier politique sont morts à la suite des grèves de la faim qui ont duré entre 46 jours et 73 jours.
Il me semble qu’on parle très peu de ces Iraniens à la télé et dans les journaux. C’est la bouche cousue de l’indifférence? Selon des bénévoles qui travaillent dans la jungle, les Iraniens sont «prêts à aller jusqu’au bout si on ne leur propose pas une vraie solution d’hébergement, et envisagent désormais de se coudre les paupières pour attirer de nouveau l’attention des médias et des autorités».
Si quelqu’un est prêt à se coudre la bouche pour se faire entendre, ne devrait-on pas écouter?
À vous maintenant…
Écoutez cet extrait du Petit Journal dans lequel Yann Barthès parle de la jungle à Calais et répondez aux questions. (Merci à Canal+)
- How long has the jungle been in existence?
- What ironic reference does Yann Barthès make to France?
- How many refugees are there in the jungle?
- How much does it cost per year?
- Why is it called the jungle?